INTERSECTION

INTERSECTIONS

INTERSECTIONS

La circulation est formellement régie en milieu urbain par un code Rousseau de la route. Charte de la raison euclidienne, adossé à une signalétique prescrivant les comportements à observer dans diverses situations répertoriées, il est au coeur de l’apprentissage supervisé de la conduite. Panneaux et feux de signalisation, là où ces équipements existent et lorsqu’ils fonctionnent, régulent en fait un rapport aux autres comme soi, usagers de la voie publique par intérêt privé. Il en découle que la qualité du trafic, entre fluidité et congestion, repose pour beaucoup sur la conscience de cette mutuelle altérité, outre les diverses observances requises par le Code et nonobstant l’état de la voirie urbaine. Dans cet espace des translations, tous les Je au volant sont équivalents. Quid alors d’un contexte dépourvu des équipements ci-dessus mentionnés ?

Les carrefours de Douala sont à ce titre, dans le paysage et une perspective postcoloniale, des lieux aussi remarquables qu’édifiants. Ledit Code y vole en éclats pour laisser la place au choc des guises. En l’absence de toute régulation, c’est à qui passera/traversera/tournera le premier. La priorité à droite ? Pure vue de l’esprit. Attendre une ou deux secondes ? Pourquoi Moi et pas lui ? Le carrefour est une scène/arène où se donne en spectacle permanent le mal vert-rouge-jaune, cette confrontation des Je/Ego, source chronique de bruit et fauteuse d’entropie. Elle est l‘ingrédient majeur des dysfonctionnements observés dans nos appareils administratifs pyramidaux. Rien n’illustre mieux le ‘’gros coeur’’ que la tauromachie cauchemardesque des carrefours. Au sens où ce sont bel et bien des machos qui se rentrent dedans, tête baissée et toutes cornes du Je/Ego en avant. Théâtre donc aussi de l’idéologie masculine dominante dans toute sa splendeur, vitrine d’incivilité, le carrefour est une métaphore, ouverte à plusieurs entendements, de l’état catastrophique d’une société où la violence, la corruption et l’arbitraire ont pris la loi en otage. Avec en toile de fond ce mépris ordinaire et scabreux de l’Autre qui vrille/plombe le champ des relations interindividuelles. Le Cameroun va où à cette aune du ‘’gros coeur’’, battant pavillon du Moi dilaté ? C’est la question que (se) pose INTERSECTIONS.

INTERSECTIONS est une installation conçue pour plonger le visiteur dans l’atmosphère de duel qui règne dans les carrefours. Moyennant des projections vidéo, des casques et une bande son ad-hoc. Celle-ci proposera un mixage de captures sonores réalisées dans divers carrefours. S’y greffera aussi le prophétique et lucide Confusion de Fela. Les images seront traitées avec un logiciel Vjing, une technique de mixage vidéo dédiée à l’origine aux performances visuelles sur les pistes de dance floor et qui permet la simulation d’une intersection réelle. Elles seront projetées sur des surfaces blanches de 3m de hauteur formant des angles de 90° et qui feront office de devanture d’un carrefour.